Le réalisateur Laurence Laurentz (Ralph Fiennes) a bien du mal à faire dire simplement à son acteur la phrase "Would that it were so simple" ("Si seulement c'était si simple).
Le réalisateur Laurence Laurentz (Ralph Fiennes) luttant pour faire dire simplement à son acteur une réplique simple.

 



Ave César ! laisse une impression mitigée. Ni franche critique ni vibrant éloge de l’âge d’or d’Hollywood, son scénario se révèle frustrant malgré de réjouissantes séquences. Attention ! Spoilers.

Par David Marquet

Les frères Coen sont capables du meilleur (The Big Lebowski, Fargo) comme du pire (Burn After Reading, The Ladykillers). Avec Ave César ! ils se placent exactement entre les deux, et leur nouveau film divise la presse, comme le note Le Figaro. Si le film est indéniablement réussi du point de vue de la reconstitution, toujours très soignée chez le tandem, l’histoire (ou plutôt, les histoires) lancent chacune des pistes dont aucune n’aboutit véritablement. Et les acteurs, tous excellents, ont bien du mal, malgré leur talent, à donner corps à ces personnages qui poursuivent un but sans jamais l’atteindre.

Cette chronique se constitue de quatre « moments » dont chacun aurait pu constituer un film à part entière. Mais à force de vouloir diversifier les récits, les Coen échouent à les harmoniser. Comme le rappelle Slate.fr, le personnage principal, Eddie Mannix, a réellement existé. Il était « arrangeur » des problèmes d’image des stars à la Metro-Goldwyn-Mayer. Pourtant censé faire le lien entre des histoires disparates, il ne réussit pourtant pas à leur donner une unité.

Pourtant, chacune de ces tentatives portait la promesse de développements réjouissants. Eddie Mannix (Josh Brolin), essaie de mettre d’accord des consultants religieux de différentes confessions sur la légitimité d’un scénario sur Jésus. Baird Whitlock (George Clooney), star de péplums, se fait « éduquer » par un collectif de scénaristes communistes. Deux journalistes concurrentes interprétées par Tilda Swinton cherchent à connaître le secret embarrasant d’une vedette de films aquatiques (Scarlett Johansson, hélas sous-employée). Et un acteur de westerns franchement stupide (le formidable et méconnu Alden Ehrenreich) est propulsé du jour au lendemain sur le plateau d’un drame très sérieux.

Les situations sont toutes amusantes, pourtant on ne rit jamais franchement, comme le souligne Le Parisien. Le découpage n’y est pas pour rien. Chaque séquence est très courte : à peine s’y est-on plongé que déjà on passe à la suivante. Ce processus se répète sans cesse, ce qui est assez frustrant. Si bien qu’on sort de la séance avec la sensation étrange d’avoir vu un bon film qu’on ne peut pour autant affirmer avoir aimé.

À la fois réjouissant et déroutant

Le film est loin d’être mauvais, et recèle de fantastiques tranches de pur cinéma. Le numéro de claquettes emmené par Channing Tatum ou la difficulté du réalisateur joué par Raplh Fiennes à faire comprendre ses directives en sont quelques exemples. Qui plus est, les Coen mettent en scène des tournages de films fictifs mais dont le réalisme (jusque dans les sujets et même les titres) n’a rien à envier à ceux effectivement réalisés à l’époque. Pourtant, les auteurs avouent n’être pas « pointus sur la documentation », comme ils l’expliquent dans cette interview à Variety (en anglais).

Quoi qu’il en soit, Ave César !, déroutant et réjouissant tout à la fois, chamboule les habitudes du public avec une charmante légèreté. Chose suffisamment rare pour ne pas être boudée.