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Illustrations réalisées avec le site jesuischarliegenerator.com, qui permet de générer des messages sur le modèle de « Je suis Charlie ».

Les « Je suis… » d’identification aux victimes des attentats sont absurdes. Souvent postés par des gens de gauche, ceux-ci oublient que la richesse de nos sociétés vient précisément de ce que nous sommes tous différents.

Par David Marquet

Ceux qui ont des amis de gauche sur Facebook le savent. Chaque nouvel attentat hors de l’Europe les incite à s’indigner qu’on ne poste pas illico « Je suis libanais », « Je suis ivoirien » ou « Je suis burkinabé »… Les mêmes s’empressent de changer leur avatar en « Je suis gay » après le massacre d’Orlando. Iront-ils (surtout s’ils sont athées) jusqu’à « Je suis curé » après qu’un prêtre s’est fait égorger, rapporte l’Obs, dans la prise d’otage du 26 juillet ?

Ces réactions solidaires partent évidemment d’une motivation noble mais posent problème. À force d’être utilisé à toutes les sauces, le leitmotiv perd de sa substance. Le Huffington Post le rappelle : « Je suis Charlie » a connu une répercussion mondiale totalement imprévisible. C’était un moment historique : jamais autant de nations n’avaient repris à l’unisson ce « message d’espoir et de liberté » dont le créateur avait condamné les tentatives de récupération commerciale  dans Libération.

Cette pensée unanime avait néanmoins quelque chose d’effrayant. Déclinée en « Je suis policier » et « Je suis juif », la phrase fit vite florès. On peut à la rigueur se réclamer de l’esprit de Charlie hebdo. Pour une religion ou un métier, c’est beaucoup moins pertinent.

De « Je suis Charlie à « Je suis pastis »

Les « Je suis Bruxelles » ou « Je suis Istanbul » ont franchi de nouveaux sommets. Personne ne peut affirmer être une ville entière. Ça n’a aucun sens. Pas plus que « Je suis PD » pour compatir aux victimes d’Orlando. Insulte que les homosexuel(le)s s’approprient pour la neutraliser – comme les tenants de la négritude, Aimé Césaire en tête, raconté par le Figaro. Venant d’hétérosexuels, c’est plus gênant.

Ces valeureux gens de gauche doivent réaliser que ce message a vécu. Pour preuve, il devient « Je suis pastis » sur un T-shirt dans Camping 3 (à la vingt-neuvième seconde de la bande-annonce). Ou « Je suis Battiston » lors du dernier France-Allemagne, ce footballeur sorti sur une civière lors d’une autre demi-finale contre la Mannschaft en 1982, éliminant les Bleus de la Coupe du monde. Car nombre de supporters prenaient ce match comme une revanche… Battiston lui- même jugeant cela « un peu ridicule » dans le Parisien.

La richesse de nos sociétés, qui ulcère tant les terroristes, pourrait se résumer ainsi : « On est tous différents et c’est pour ça qu’on s’aime. » Il serait donc nettement plus rafraîchissant de lire :

je-suis-athee-mais-je-refuse-qu-on-egorge-les-pretres-1366x768

je-suis-de-droite-mais-je-n-ai-rien-contre-l-islam-1366x768

Ou bien :

je-suis-heterosexuel-et-je-pleure-les-victimes-gays-d-orlando-1366x768

Ou même (on peut rêver) :

je-suis-de-gauche-mais-je-ne-detiens-pas-la-verite-1366x768

Ou enfin :

je-suis-concerne-meme-si-je-ne-le-poste-pas-sur-facebook-1366x768

Faut-il nécessairement se confondre avec les victimes pour appuyer ses convictions ? Ou se couvrir d’un drapeau français après le 13 novembre ? Une photo de rock’n’roll ou de terrasse de café aurait été plus légitime.

Certains cependant n’ont de cesse de montrer leur engagement (de peur de paraître indifférents ?). Cet acte « politique » sert hélas sans doute plus à valoriser leur bonne conscience. Si le Front national était victime d’un attentat, combien de ces preux activistes posteraient « Je suis FN » ? En outre, ce militantisme de pacotille est porté par de farouches opposants au totalitarisme. Que cette citation de l’humoriste Gustave Parking devrait faire cogiter : « Tout le monde est d’accord pour se prononcer contre la pensée unique. Je vous laisse réfléchir là-dessus. »