• Un enfant Rohyngia, victime des exactions du gouvernement birman. Photo :

Steve Gumaer

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Dans l’actualité récente, ils sont éclipsés par les tirs de missile nord-coréens ou les manifestations contre la loi travail. Pourtant, l’ONU déclare que le massacre des Rohingya, cette communauté musulmane persécutée par la Birmanie depuis plus de trente ans, pourrait bien être victime d’un « nettoyage ethnique ». 

Par David Marquet

Plus de 300.000 Rohingya se sont réfugiés au Bangladesh depuis le 25 août, pour fuir les exactions de l’armée birmane. L’Onu dénonce même un « nettoyage ethnique ». Mais pourquoi le gouvernement birman considère-t-il comme « terroriste » cette communauté musulmane qui revendique leur présence en Birmanie depuis le XVe siècle ? Pourquoi la citoyenneté birmane leur a-t-elle été retirée en 1982 ? Et pourquoi Aung San Suu Kyi, dirigeant le pays et prix Nobel de la paix, laisse-t-elle l’armée et les civils bouddhistes les exécuter ?

Depuis plus de trente ans, la communauté musulmane Rohyngia, qui revendique descendre de « commerçants arabes, turcs, bengalis ou mongols », est persécutée à Myanmar (actuel nom de la Birmanie), indique Le Figaro. « Les Rohingya ne peuvent pas travailler, se marier ou étudier. Ils sont régulièrement expropriés, extorqués, privés de soins… », poursuit le quotidien. Ils ont même été déchus de leur citoyenneté birmane en 1982. Pour comprendre comment une communauté si infime (5 % de la population, contre 91 % de bouddhistes), il faut remonter à 1962. « Une ère d’obscurantisme et de totalitarisme s’est abattue sur le pays avec le coup d’Etat du général Ne Win », explique la journaliste Sophie Ansel au Monde diplomatique. Celui-ci « a imposé le bouddhisme comme religion d’Etat dans ce pays où cohabitent plusieurs confessions. Il a aussi lancé une propagande raciste dans les écoles et médias avant de mener des opérations de purification visant à débarrasser le pays des “étrangers” ». Vingt ans plus tard, le général Ne Win instaure une loi sur la nationalité, dont les Rohyngia sont exclus, au titre que le gouvernement en place remet en cause leur appartenance à la nation, la reléguant à l’arrivée des colons britanniques en 1823, selon la même source.

En 2012, un Rohyngia est accusé du viol et du meurtre de Ma Thidar Htwe, une jeune Birmane bouddhiste. Dans les heures qui suivent ce soupçon, un bus où se trouvaient des  musulmans est attaqué par une foule de bouddhistes, rappelle le Monde. « Ils lynchent à mort dix d’entre eux. S’engage alors le cycle des représailles, les Rohyngia mettant à sac des villages d’Arakanais bouddhistes avant d’être eux-mêmes assaillis et chassés de leurs terres. Le président birman Thein Sein impose alors l’état d’urgence et un couvre-feu dans les zones troublées. » S’ensuit un déferlement de violences : viols, tortures, maisons brûlées, avec l’appui de l’armée.

Le 25 août dernier, l’Armée du salut des Rohingya de l’Arakan (ARSA), organisation rebelle, attaque une vingtaine de postes de police birmans, rapporte Libération. « Les assauts, d’une ampleur inédite, ont fait au moins 89 morts, dont une dizaine de policiers. Les militaires ont alors répliqué de manière sanglante, en visant immédiatement la population civile des Rohingyas, selon les récits des réfugiés : pillages, viols, fusillades et maisons incendiées. » L’ONU a qualifié lundi 11 septembre la répression du régime birman d’ « exemple classique de nettoyage ethnique »ajoute Le Monde.

Ce qui oblige les civils à fuir vers le Bangladesh voisin, en traversant la rivière frontalière. Près de 300 000 Rohyngia ont ainsi dû s’y réfugier, un exil d’une ampleur sans précédent depuis les massacres de 2012. Le Dalaï-Lama a eu beau dénoncer ce génocide, Aung San Suu Kyi, la dirigeante du pays, pourtant prix Nobel de la Paix, se fait étrangement discrète sur le sujet, malgré les critiques de la communauté internationale, relève le Point. Son rôle n’est d’ailleurs pas facilité par la grande autonomie de l’armée, dirigée par d’anciens responsables de la junte dissoute en 2011.

« Le service de presse d’Aung San Suu Kyi s’est contenté lundi d’annoncer l’intervention de la police dimanche soir dans le centre du pays pour disperser une foule de 400 personnes jetant des pierres sur une boucherie musulmane », poursuit l’hebdomadaire. Pas sûr que cela suffise pour que les Rohyngia lui accordent leur confiance pour mettre fin au carnage de leur peuple.