Dessin réalisé pour la mainfestation du 11 janvier 2015, d'après Charles M. Schulz.
Dessin réalisé pour la manifestation du 11 janvier 2015, d’après Charles M. Schulz.

 

Un an jour pour jour après les attentats contre Charlie hebdo, l’hebdomadaire se porte bien et n’a rien renié de son mordant. Il n’en reste pas moins que les victimes de ce jour tragique manquent à toutes celles et ceux qui ont grandi avec.

Par David Marquet

Une chanson de Lou Reed raconte la hantise du chanteur rêvant qu’il oublie le jour de la mort du président Kennedy. Je doute qu’une telle chose m’arrive avec le massacre perpétré à Charlie Hebdo il y a un an jour pour jour. On dit d’ailleurs que tous les Américains se souviennent de ce qu’ils faisaient le jour fatidique. En est-il de même pour les Français concernant cet attentat ? En tout cas c’est mon cas.

J’ai cru à une blague en recevant ce texto de celle qui deviendrait ma femme. Allumant la télé, j’ai voulu naïvement croire jusqu’au bout qu’ils n’avaient tué ni Cabu ni Wolinski (avec un « i »). Ces deux-là font partie de ma culture depuis mes dix-douze ans : je découvrais, parfois en cachette, leurs bédés pas comme les autres. Une histoire de Wolinski m’a marqué : un type va faire l’amour avec une nana, affriolante comme il se doit chez l’auteur, et n’arrête pas de répéter à quel point il est « heureux ». La fille le regarde, le trouve mignon, touchant, attendrissant, même. Le dernier dessin montre le corps du mec dans une flaque de sang, et la nana assise sur le lit, tenant un fusil fumant : « Il était trop heureux, j’ai dû l’abattre. » Pour Cabu, c’est un dessin où on voit le Grand Duduche en classe, son pupitre retourné contre le mur du fond. La prof lui demande pourquoi il fait ça, il répond simplement : « Parce que je vous aime, et aimer, c’est regarder ensemble dans la même direction ».

J’ai encore dans l’oreille l’intonation de Bruce Toussaint quand il déclare : « Cabu est mort ».

Quand Charlie a reparu en 1992, j’ai acheté l’un des premiers numéros, et je l’ai lu longtemps chaque semaine. Je me souviens des chroniques de Renaud, qui va bientôt réécrire pour l’hebdomadaire, indique Le Point, et des critiques ciné et bouquins des deux Michel (Boujut et Polac, respectivement).

J’ai été donc été très amusé par le témoignage d’un jeune homme surpris, lors de la ressortie en kiosque après le numéro « Tout est pardonné » , qu’il s’y trouve des articles de fond (dans Le Figaro du 25 février 2015)… et franchement agacé par un autre brâmant que Cabu c’était « toute son enfance », car il avait démarré chez Dorothée ! Sauf que, non. Lorsque Jean Cabut (son vrai nom) publie ses premiers dessins parisiens à… Paris-Match, comme le rappelle Le Monde, Frédérique Hoschedé/Dorothée n’a que quatre ans, pas encore de pseudonyme et encore moins la possibilité de l’engager.

Dans leur numéro spécial du 6 janvier 2016, les membres de la rédaction racontent pour la première fois comment ils ont vécu l’attaque. C’est saisissant, et même parfois franchement comique. Il n’y a qu’eux pour le dire comme ça. Une raison de plus de ne jamais oublier (de lire) Charlie Hebdo.