Anita Rachvelishvili dans le rôle de Carmen, mise en scène de Franco Zeffirelli, Opéra de Vérone, 2014.
Anita Rachvelishvili dans le rôle de Carmen, mise en scène de Franco Zeffirelli, Opéra de Vérone, 2014. Photo Dismappa Verona.

C’est un sale coup porté au Carmen de Georges Bizet. Après examen des tests ADN, la justice a rendu son verdict : Bohême n’est pas la mère de l’amour. Par conséquent, et malgré les protestations des puristes, l’œuvre ne peut plus être représentée telle quelle.

Par David Marquet

La décision de la Cour d’appel du Tribunal de Grande Instance de Paris est un coup dur porté aux aficionados du Carmen de Georges Bizet. Après examen des tests ADN effectués à la demande de Bohême pour établir son lien de filiation avec l’amour, cité dans l’œuvre, la justice a tranché : ce dernier n’est plus enfant de Bohême… puisqu’il ne l’a jamais été.

À la sortie du jugement, l’amour, en pleurs, tente de rester digne : « J’y ai cru jusqu’au bout » a-t-il confié au Jefferson Post. Derrière cette émotion se cache pourtant une certaine rancœur : « Vous vous rendez compte ? On ne pourra plus jouer Carmen dans sa version originale ! Et à  cause de ce verdict, ça fera un pied de plus ! Ça va complètement déséquilibrer la mélodie ! » En effet, la Cour a statué en amendant les paroles du livret de Meilhac-Halévy. La seule version légale des paroles sera désormais « L’amour n’est PAS enfant de Bohême »,  que ce soit sur scène ou en enregistrement.

Dans le camp adverse, la satisfaction se lit sur tous les visages. Me Schlumberger, l’avocat de Bohême, l’exprime sans détours : « Cela fait des années que ma cliente attend cela. Elle n’a aucune animosité envers l’amour, simplement ce n’est pas son fils, bien que le monde entier l’ait cru pendant plus d’un siècle à cause de ce livret diffamatoire ».

L’affaire avait éclaté il y a déjà cinq ans, quand le 13 juillet 2011, lors d’une interview à nos confrères d’i-télé, Bohême provoquait la stupéfaction en annonçant en direct son intention de poursuivre l’amour pour « usurpation de filiation », provoquant une polémique entre les deux parties et leurs sympathisants. Après avoir perdu en première instance, au vu de la jurisprudence que constituait la célébrité et la pérennité de l’opéra-comique incriminé, Bohême s’est pourvue en appel, et a obtenu gain de cause grâce aux tests ADN.

Me Schlumberger a confié au Jefferson Post que sa cliente ne comptait pas en rester là, et se portait partie civile pour faire également changer les paroles « et n’a jamais, jamais connu de loi », rendues caduques et inexactes selon elle « étant donné la durée du procès et son verdict défavorable à son égard ».

Stéphane Lissner, directeur de l’Opéra-Bastille, qui comptait faire représenter Carmen la saison prochaine, a en conséquence annoncé dans un communiqué le report de la production « jusqu’à ce que les choses se tassent ». Il ajoute espérer « que ces querelles cessent promptement, et ne touchent pas d’autres œuvres lyriques, sans quoi il n’y aura plus qu’à mettre la clé sous la porte ».