Donald Trump s’adressant à ses soutiens et aux médias à New-York après sa victoire décisive dans l’Indiana.

Malgré des sondages défavorables, on ne peut plus exclure que Donald Trump devienne le 45e président des USA. Après avoir éliminé tous ses concurrents au mépris de tous les pronostics, la faible popularité d’Hillary Clinton dans son propre camp pourrait jouer en sa faveur, en dépit de son programme ubuesque.

Par David Marquet

En remportant l’Indiana mardi 3 mai, comme le rapporte L’Obs, Donald Trump devient le seul candidat républicain à l’investiture pour l’élection présidentielle. Sa désignation prochaine, si elle met dans l’embarras le Grand Old Party, lui ouvre une voie royale vers le bureau ovale. Ce qui n’était encore qu’un cauchemar (y compris pour une majorité de républicains) est aujourd’hui une triste réalité.

Donald Trump plaît, c’est indéniable. Il suscite chez ses militants une adoration proche de l’idolâtrie, ainsi que le relève un reportage de La Presse.  Plus encore que Sarkozy en France, c’est le parfait Georges Marchais de droite. Bourru, rentre-dedans, écrasant toute analyse avec son « bon sens » et ses lieux communs. Sa capacité à faire vibrer les foules à coups de vitupérations provocatrices et/ou ordurières est sans antécédent dans le paysage politique américain. À l’autre bout de l’échiquier politique, Bernie Sanders sait lui aussi déclencher l’enthousiasme de ses partisans, mais n’en a pas récupéré le même bénéfice dans les urnes. Une détermination pourtant payante : annoncé au départ comme un candidat sans poids, Sanders a tout de même raflé dix-huit états, rapporte The Telegraph (en anglais), forçant Hillary Clinton à orienter sa propre campagne plus à gauche.

Ensuite, l’ex-première dame ne suscite pas l’unanimité dans son propre camp, et particulièrement chez les jeunes. Lors de la primaire du New Hampshire, Sanders a remporté 83 % des votes des 18-29 ans, contre 16 % pour sa rivale, rapporte L’Obs. Celle-ci n’étant majoritaire que chez les plus de soixante-cinq ans… Or, il y a fort à parier que plusieurs partisans du sénateur du Vermont, déçus de ne pas voir leur champion accéder à l’investiture du parti démocrate, ne se déplaceront pas dans les bureaux de vote en novembre.

D’autre part, plusieurs éléments gênent la candidature de Clinton. Tout d’abord, ses fameux courriels : le New-York Times a révélé qu’elle avait utilisé son e-mail personnel pour régler des affaires officielles (en anglais) alors qu’elle était secrétaire d’État, ce qui aurait pu nuire à la sécurité nationale. Et peut-être même, avance le camp opposé, servir à couvrir les fautes et les mensonges que les Républicains imputent à l’administration Obama dans l’affaire Benghazi, où l’ambassadeur américain en Libye Christopher Stevens a perdu la vie dans un attentat le 11 septembre 2012, rappelle Slate.fr. Ensuite, elle s’est contredite plus d’une fois au cours de sa campagne, et même si elle est assurée d’obtenir l’investiture, Bernie Sanders n’est pas décidé à abandonner, et poursuivra la sienne jusqu’au congrès démocrate de juin. Enfin, comme le note L’Obs, Clinton devra à la fois récupérer des voix à droite et empêcher l’abstention probable d’une partie des électeurs démocrates.

 

Prédire la défaite de Trump est une erreur

Les pronostics annonçant le milliardaire xénophobe perdant se trompent. Les mêmes affirmaient que la candidature de Trump rebuterait les Républicains, comme dans cet article du Monde. Ce sont les mêmes prévisions qui annonçaient la victoire dans un fauteuil d’Hillary Clinton à la primaire démocrate, comme ici dans L’Express. C’était sans compter sur la pugnacité et la force de persuasion du magnat de l’immobilier, ni sur celles du « socialiste » Bernie Sanders.

Certes, Trump brille par son inexpérience. Certes, son programme est aberrant : la construction d’un mur frontalier payée par les Mexicains pour endiguer l’immigration, le fichage des musulmans, la révision du traité de libre-échange avec la Chine, etc. Certes, ses attaques contre ses adversaires sont grossières, dans tous les sens du terme. Dernière en date : insinuer qu’Hillary Clinton était complice de son mari lors de l’affaire Lewinsky, indique 20 minutes. Certes, la plupart des sondages donnent Clinton largement victorieuse face à Trump, certains membres du parti républicain affichant carrément leur soutien à leur adversaire. Certes.

Mais ces extrapolations ne sont jamais fiables à 100 %. Pour prendre un exemple plus familier, il faut se rappeler l’élection présidentielle française de 2002, que beaucoup jugeaient prévisible, voire ennuyeuse, et annonçait une probable victoire de Lionel Jospin. Le 27 février, soit deux mois avant le premier tour, Libération écrivait : « Selon deux sondages réalisés après la déclaration de candidature du Premier ministre (le 20 février) et publiés hier, Jospin l’emporterait au second tour de la présidentielle avec 51 % contre 49 % à Chirac. ». Le même Libération qui titrait « Allez-y quand même ! » dans son édition du 20 avril :

Libé 20 avril 2002

Dimanche 21 avril, Jean-Marie Lepen était au second tour, et Jospin, éliminé, se retirait de la vie politique, se remémore Le Figaro. Certes, et fort heureusement, le président du FN ne fut pas élu, mais cela montre qu’il faut se méfier et des sondages et des pronostics de la presse. À ce sujet, les médias américains reconnaissent une part de responsabilité dans sa mise en avant au détriment des autres candidats, tels le Washington Post (en anglais).

Comme nous y invite ici Le Figaro, il est urgent de se préparer à l’impensable : Trump président de la première puissance mondiale. Et pendant ces quatre années, peut-être le parti républicain se remettra-t-il (enfin) en question.