Donald Trump lors d’un meeting de campagne à Ottumwa (Iowa). Photo Evan Guest.

L’élection de Donald Trump est révélatrice d’une faille majeure dans les méthodes actuelles d’évaluation des intentions de vote. Et les médias s’appuyant trop sur ces sondages doivent cesser de les tenir pour argent comptant (le Jefferson Post en tête). Particulièrement en France, où Marine Le Pen présidente n’est hélas plus une utopie.

Par David Marquet

Lorsqu’en mai dernier, le Jefferson Post « prédisait » l’élection de Trump, il pensait bien sûr, comme ses confrères, que cette éventualité relevait de la science-fiction. Son but était avant tout de mettre en garde des médias trop assurés d’une victoire de Clinton. Et, comme tout le monde, le JP a été abasourdi par le résultat de l’élection américaine, autant que par la large victoire du candidat populiste. L’éléphant (symbole du parti républicain) a écrasé sans ménagement l’âne démocrate.

Et ce n’est qu’un début. L’élection de Trump, candidat raciste, misogyne, inculte (et qui s’en vante) est symptomatique de bien autre chose : l’incapacité des sondages et, plus grave, de la presse (qui s’y réfère trop souvent, toutes tendances confondues) à interpréter de manière fiable les intentions de vote. Le New-York Times, qui avançait que la victoire de Clinton était probable à 95% au début de l’élection a revu sa copie à 360 degrés. Le grand quotidien américain a d’ailleurs fait son mea culpa à ce sujet (article en anglais). 

Car au-delà de l’élection américaine proprement dite, l’éléphant Trump, en saccageant tout sur son passage, oblige à remettre en question ce qui semblait acquis en politique dans les pays occidentaux. Il serait naïf cependant de ne pas reconnaître que plusieurs signes avant-coureurs auraient dû alerter les instituts de sondages. Des exemples ? Tout le monde tenait pour acquis un second tour Chirac-Jospin. Lors du référendum sur la constitution européenne de 2005, tout le monde voyait le « oui » triompher. Et tout le monde pensait également que le Royaume-Uni resterait dans l’Union européenne…

Trump aujourd’hui, Le Pen demain ?

Par ailleurs, c’est un fait qu’on ne peut contester, l’extrême-droite mobilise de plus en plus d’électeurs en Europe, comme le souligne Libération. Aussi est-il urgent d’arrêter dès maintenant d’assurer d’un air docte que Marine Le Pen ne peut pas accéder à la présidence de la République. Tout comme aux USA, les politiques qui ont gouverné le pays depuis un demi-siècle n’ont plus de crédit auprès d’un nombre d’électeurs toujours croissant. Le chômage et la précarité y connaissent, toutes proportions gardées, des chiffres toujours plus inquiétants. Et comme, de plus en plus, chacun vote pour soi au lieu de voter pour le bien public commun… Par ailleurs, il faut le reconnaître, la présidente du Front national a plus que réussi la dédiabolisation du parti de son père, qui, lui, faisait encore peur.

Enfin il y a cet argument quasiment imparable de ceux qui veulent voter FN en 2017 : « La gauche, ça ne marche pas, la droite non plus. Eux, on ne sait pas ce qu’ils feront ». La presse d’infomation, quelle que soit son inclination politique par ailleurs, se doit donc d’avertir du danger d’une présidence FN, avec les armes du journalisme : des faits, de l’analyse, des archives. Aujourd’hui, plus personne ne peut dire : « Je ne savais pas. » Ce sera peut-être le seul effet bénéfique de la présidence de Trump : réveiller les consciences et amener à se remettre en question. Pour, au minimum, ne pas être pris de court la prochaine fois.

Une victoire paradoxale

 

Pour autant, la victoire de Trump est paradoxale, car selon LCI, le vote populaire a plébiscité Clinton, et Trump n’a gagné que grâce au vote des grands électeurs, qui ont le pouvoir de voter contre la majorité de leur état. (Pour ceux qui ne comprennent rien au système électoral américain, voir ici la vidéo de Quotidien ou Yann Barthès explique tout ça très clairement – à partir de 1’25).

Les électeurs démocrates déçus et horrifiés par l’arrivée de l’homme d’affaires à la tête du pays entendre leur voix dans les plus grosses manifestations depuis 150 ans, relève le Parisien. Samedi ils étaient au moins 10 000 à New-York et autant à Los Angeles, et des milliers d’autres à Chicago. Un grand rassemblement anti-Trump est aussi prévu le 20 janvier, organisé via les réseaux sociaux. Pour un pays de 325 millions d’habitants, pas sûr que cela change la donne. Pas plus que d’espérer un sursaut républicain pour faire rempart au FN en 2017.