Joker, de Todd Phillips. Joaquin Phoenix incarne l’ennemi de Batman en nous infusant insidieusement le malaise constant de son personnage.

Ah, 2019… année bénie où les mots « Covid-19 », « confinement » et « gel hydroalcoolique » n’évoquaient rien à personne… Où l’on pouvait aller au cinéma sans peur d’attraper une maladie mortelle ni de contaminer quiconque… Pour échapper à la nostalgie de ces temps révolus, le Jefferson Post a choisi quelques films marquants de cette année-là, qu’ils brillent par leur virtuosité… ou leur médiocrité.

Par David Marquet

Les « claques » de l’année

Parasite, de Bong Joon-ho. La première œuvre dans une langue autre que l’anglais à remporter l’Oscar du meilleur film – en plus de la Palme d’or – est un mélange de comédie, de drame et de suspense qui parvient à rester harmonieux tout en dénonçant les inégalités entre les classes sociales, comme le rappelle Libération. Chapeau bas.

Joker, de Todd Philips. Le réalisateur de Very Bad Trip (The Hangover, 2009) réussit plus qu’à donner à l’univers DC son meilleur film depuis The Dark Knight de Christopher Nolan en 2008. (Hein, quoi ? Zack comment ?) Car Joker, fort d’un Lion d’or à Venise amplement mérité, va bien au-delà de l’adaptation de comics. À travers son personnage principal torturé au rire maladif, incarné jusqu’au malaise par Joaquin Phoenix, le film parle de notre époque inquiétante et violente et nous met face à notre société sans prendre aucune pincette, note Le Figaro. Sans conteste le film le plus sombre de l’année.

Midsommar, d’Ari Aster. Un film d’horreur filmé quasi exclusivement en plein jour et sans jump-scares est une gageure peu commune pour ce genre. En racontant les mœurs d’une communauté de joyeux hippies pas vraiment aussi peace and love qu’ils en ont l’air, Ari Aster nous tient en haleine de bout en bout. Ce ne sont pas Les Inrockuptibles qui diront le contraire.

Les Misérables, de Ladj Ly. En 1994, La Haine de Matthieu Kassovitz dépeignait la misère et la violence des banlieues avec une rare acuité. Vingt-cinq ans plus tard, Ladj Ly nous livre un film coup de poing qui montre que la situation n’a fait qu’empirer, relève Le Parisien. Sa steady-cam et une fin encore plus pessimiste renforcent encore ce constat alarmant. Mention spéciale à Alexis Manenti, plus vrai que nature en flic malhonnête et borné.

Docteur ? de Tristan Séguéla. Dans ce buddy-movie à la française, on découvre avec enchantement que l’on peut, en 2019, réaliser une comédie jouissive et populaire sans avoir recours à de grosses ficelles démagogiques ou racistes, ou les deux. Et qu’on peut écrire un scénario original plein de finesse, ou le jubilatoire Hakim Jemili crève l’écran. Cerise sur le gâteau, cette histoire de livreur de pizza qui se fait passer pour un médecin est vraiment très drôle, n’en déplaise au Monde.

Les bonnes surprises

À couteaux tirés, de Rian Johnson. Comment ? L’homme qui a ridiculisé Luke Skywalker et tout l’univers Star Wars dans Les Derniers Jedi est capable d’écrire et de réaliser un film à la Agatha Christie aussi passionnant que Le Crime de l’Orient-Express de Sydney Lumet (1974) ? Oui, et en plus il se paie le luxe d’éreinter mine de rien l’Amérique de l’ère Trump. Même Libération a aimé, c’est dire.

Jojo Rabbit, de Taika Waititi. Sur le papier, le récit d’un gamin allemand qui a pour ami imaginaire Adolf Hitler pendant la seconde guerre mondiale avait tout pour être casse-gueule. C’était sans compter sur la poésie généreuse de Taika Waititi et son fantastique talent de clown dans le rôle du dictateur, que Le Parisien n’a pas su reconnaître. Mais on n’est pas trop surpris après l’ovni qu’est Thor : Ragnarok, de loin le film le plus drôle du MCU.

Le Mans 66, de James Mangold. Rares sont les films de courses de bagnoles qui atteignent des sommets. Grand-Prix, de John Frankenheimer en 1966 (avec Yves Montand !) ou Le Mans de Lee H. Katzin en 1971 avec Steve McQueen, plus récemment l’adaptation de la BD Michel Vaillant par Louis-Pascal Couvelaire sur un scénario de Luc Besson en 2003 en sont des exemples frappants. Aussi, réussir à créer des personnages marquants et entretenir le suspense et l’émotion tout au long de la rivalité entre Ford et Ferrari pour la victoire des 24h du Mans en 1966 – obscure pour les néophytes – est une prouesse plus que louable, saluée par L’Express.

La Belle époque, de Nicolas Bedos. Si le fils de Guy Bedos ferait mieux de se taire quand il parle du Covid-19, il doit continuer à faire des films. Son histoire résolument romantique sur la nostalgie d’une époque révolue prouve qu’il y a beaucoup à attendre de ses prochaines réalisations, comme le souligne L’Obs.

Les grosses déceptions

The Irishman, de Martin Scorsese. Dans ce film interminable on constate que le talent de Martin Scorsese à raconter des histoires captivantes s’est définitivement perdu, et le rajeunissement en CGI des acteurs principaux est tout sauf convaincant, reconnaît La Voix du Nord, en dépit de son admiration. On pouvait le craindre depuis Shutter Island et son twist final ridicule (une autre tentative de Di Caprio vers l’Oscar, qui devra littéralement en baver pour l’obtenir), on en est maintenant convaincu : l’auteur de Taxi Driver est aujourd’hui tout juste capable de conduire une deux-chevaux poussive.

Les Traducteurs, de Régis Roinsard. D’autant qu’elle est très proche de la réalité, précise Le Huffington Post, l’idée de traducteurs confinés dans un bunker pour traduire un best-seller était alléchante. L’idée d’en faire un mauvais thriller psychologique aux rebondissements invraisemblables coupe l’appétit.

Ça : chapitre 2, d’Andrés Muschietti. Le premier volet de l’adaptation du roman de Stephen King était captivante. Malgré quelques morceaux de bravoure, sa suite est très en deçà des attentes qu’il avait suscité, ce que ne niera pas Le Figaro.

Les films inutiles

Le Roi lion, de Jon Favreau. Déjà que l’original est loin d’être le chef-d’œuvre que les foules acclament, refaire le même film au plan près en prises de vues « réelles » n’est qu’une basse entreprise commerciale qui ne cache même pas son but, ce qui n’a pas semblé déranger Le Point.

La Reine des neiges 2, de Chris Buck et Jennifer Lee. La manie d’Hollywood de faire des suites aux films à succès plutôt que d’investir dans les nouveaux projets des auteurs a quelque chose de profondément déprimant, insiste Libération. La plupart des chansons sont oubliables et ne servent à rien. Et le scénario est pitoyable.

Aladdin, de Guy Ritchie. Même remarque que pour le Roi lion, avec en plus la tristesse de voir Will Smith, encore plus mauvais que d’habitude, à part pour L’Express, reprendre le rôle que Robin Williams a transcendé par son génie comique. Un gâchis sans nom.

Les films qu’on aurait préféré ne jamais voir…

Once Upon a Time… in Hollywood, de Quentin Tarantino. En 1992, sortait Reservoir Dogs, et la critique s’enthousiasmait pour ce cinéphile de vingt-neuf ans si habile à déconstruire ses récits. Et même si on apprit plus tard que Tarantino avait pompé presque tous ses films sur ceux des autres (y compris Reservoir Dogs, remake dissimulé de City On Fire (1987), un thriller hop-kongais de Ringo Lam, comme le rappelle IndieWire (article en anglais), on lui pardonnait, car il utilisait cette cinéphilie pour renouveler le cinéma dit « de genre ». Aujourd’hui cette même critique crie au chef-d’œuvre, Le Monde en tête, pour sa capacité à filmer du vide pendant près de trois heures. Pourtant, entre La Règle du jeu, Citizen Kane ou plus récemment La La Land et ce fleuve de néant absolu, il y a deux ou trois univers en pleine expansion. Il se passe plus de choses dans La Maman et la putain (1973) de Jean Eustache, toujours introuvable en DVD, précise Le Monde encore – et c’est un film en noir et blanc de presque quatre heures où le dialogue tient lieu d’action – alors qu’il suffit de secouer une Fnac pour voir tomber tous les Tarantino ! Ajouté à cela la puérilité sans nom de la scène finale, on espère de tout cœur que Quentin T. tiendra promesse et que c’est réellement son avant-dernier film.

Ad Astra, de James Gray. Brad Pitt est un excellent acteur hélas moins renommé pour son talent que pour ses démêlés sentimentaux. Ce n’est pas une raison pour produire un film long, lent et pénible sur la quête d’un père jusqu’à Neptune (rien que ça !), que L’Obs a clairement beaucoup apprécié, dont la seule indication de jeu semble avoir été : « Parle… encore.. plus.. lentement ». Mais qu’est-il arrivé à l’auteur inspiré de Little Odessa (1994) ?

Star Wars, épisode IX : L’Ascension de Skywalker, de J. J. Abrams.

Quoi qu’en pensent ses détracteurs, Le Réveil de la Force était le film attendu depuis trente ans par toute une génération depuis la fin de la trilogie Star Wars en 1983 (ah bon ? il y en a eu une deuxième ?) Mais toutes les portes qu’ouvraient J.J. Abrams dans cet opus ont été brutalement claquées par Rian Johnson dans la suite. L’intelligence aurait consisté à continuer sur cette voie même s’il était en désaccord. Hélas Abrams a fait comme si le film d’avant n’existait pas. Résultat : une fin calamiteuse pour une des sagas les plus inventives de l’histoire du cinéma, ce qui n’a pas échappé à L’Express. De toute façon, L’Empire contre-attaque (Empire Strikes Back, Ken Annakin, 1980) aurait dû être un flop et devenir un film culte et maudit, et Mickey n’aurait jamais posé ses sales gants blancs dessus. On irait le voir à la Cinémathèque ou dans des salles d’art et d’essai qui projetteraient aussi La Maman et la putain, en se prenant à rêver à ce qu’aurait pu donner la suite…