Détail du tableau « François Ier montre à Marguerite de Navarre, sa sœur, les vers qu’il vient d’écrire sur une vitre avec son diamant » de Fleury François Richard (1804).

On attendait Alain Juppé, ce fut François Fillon ; François Hollande, ce sera Manuel Valls. Ou comment, en deux semaines, deux François totalement opposés ont créé la surprise pour 2017, le premier en remportant la primaire à droite, le second en renonçant à un second mandat. De quoi motiver tous les François visant l’Élysée.

Par David Marquet

Pour créer la surprise dans le débat public et mettre à mal les pronostics des médias, il faut s’appeler François. Ou du moins peut-on le penser, au vu des deux événements majeurs qui ont rythmé la vie politique depuis fin novembre.

D’un côté, les primaires de la droite et du centre (ou le centre ne fut d’ailleurs pas représenté), où Alain Juppé fait figure de grand favori, loin, loin devant Nicolas Sarkozy. Il n’y a qu’à lire les titres du Figaro (qui, en principe, s’y connaît en matière de droite), qui ne tarit plus de superlatifs sur le futur champion : « Favori des sondages, Alain Juppé lance la primaire de la droite » (le 3 janvier) ; « Primaire de la droite : Alain Juppé toujours favori devant Nicolas Sarkozy » (le 3 mai) ; « Primaire à droite : Juppé a remporté le débat, selon les téléspectateurs » (le 14 octobre). De toute façon : « Présidentielle 2017 : Juppé grand favori« , assène le quotidien. Donc c’est plié.
Sauf que Juppé s’appelle Alain, et que l’heure est aux François. Il sera largement devancé au premier tour, avec une réserve de voix qui ne lui permet pas de renverser la vapeur au second. (Malgré les 0,3 % héroïques de Copé, l’homme qui pense que le pain au chocolat est à quinze centimes et le SMIC à 3000 euros… car un Jean-François n’est pas un François).

De l’autre, la décision de François Hollande de se représenter. Là aussi, c’est tellement sûr qu’il va y aller, que Libération (qui en principe s’y connaît en matière de gauche) multiplie les articles à ce sujet sans coup férir : « Pour Manuel Valls, François Hollande est le «candidat naturel» en 2017 » (le 17 janvier) ; « Hollande en rose campagne » (le 3 mai) ;« Primaire : un seul candidat anti-Hollande face à Hollande ? » (le 28 juin) ; « 14 juillet : Hollande toujours président, déjà candidat » (le 14 juillet, donc) ; « Hollande a ses dix thèmes pour 2017 » (le 3 novembre). Sauf que contrairement au Figaro, le quotidien ne va pas jusqu’à prédire la ré-élection triomphale du président. Et salue même, beau joueur, le renoncement de l’intéressé : « Hollande se dissout lui-même » (le 1er décembre).

Car Hollande est un François, et qu’en politique, les François aiment visiblement réserver des surprises. Manuel Valls annoncera sa candidature trois jours plus tard, et le remaniement qui s’impose au sommet de l’État, avec Bernard Cazeneuve comme nouveau Premier ministre et Bruno Le Roux pour lui succéder à l’Intérieur, précise Le Monde.

Depuis, François Fillon s’imagine déjà « redresser la France » tant la victoire lui semble inéluctable (forcément, c’est un François) C’est oublier un peu vite qu’il n’a rassemblé à la primaire « que » 4 millions d’électeurs de droite (et une poignée de gauche) sur les 44 834 000 inscrits sur les listes électorales au 1er mars 2016 (source : Insee). On lui souhaite donc bien du courage pour rassembler, et particulièrement les électeurs de gauche. Bien que déçus (voire dégoûtés) du quinquennat de Hollande, ceux-ci n’iront probablement pas voter la bouche en cœur pour un programme ultra-libéral visant (entre autres) à supprimer 500 000 fonctionnaires et soutenu par les excités de la Manif pour tous… fusse dans un second tour contre Marine Le Pen. Dont les partisans seront encore plus difficiles à convaincre. Bref, quoi qu’il en dise à présent, Fillon sera bien obligé de se recentrer.

Quant à ceux qui assurent que la gauche n’a aucune chance de remporter l’élection présidentielle, ils doivent lire dans le marc de café. Car après la victoire de Fillon et le désistement de Hollande, bien malin qui peut prévoir ce qui se passera en politique la semaine prochaine. Alors dans six mois… À ce stade, Jean-Luc Mélenchon a autant de chance que n’importe qui d’autre. En tout cas pas moins.

Mais pour l’heure, ce sont clairement les François qui mènent le jeu politique. Aussi pourrait-on avoir une formidable surprise : François de Rugy battant à plate couture la candidate de l’extrême-droite (comme en Autriche, rappelle Courrier internationalpourquoi pas en France ?). Ou, plus improbable encore, la victoire éclatante de… François Bayrou. Encore faut-il qu’il se déclare. La tendance est aux François mais ça ne suffit pas.