La nette victoire d’Emmanuel Macron se trouve relativisée par le barrage au Front national, l’abstention et le vote blanc. Et son « projeeeeeeet », discutable en bien des aspects, aura du mal à prendre corps s’il obtient pas une majorité équivalente aux législatives.
Par David Marquet
Il l’a fait. Tous disaient que c’était impossible, et pourtant il l’a fait. Alors que son mouvement n’a qu’un peu plus d’un an. Alors qu’il n’avait jamais été élu. Alors qu’il n’a même pas quarante ans, fait inédit sous la cinquième République. Pour autant, en battant à plates coutures Marine Le Pen au second tour, Emmanuel Macron n’a pas remporté le vote d’adhésion qu’il espérait. Entre ceux qui voulaient faire barrage au Front national, ceux qui ont voté blanc, les bulletins nuls et les abstentionnistes (plus nombreux qu’au premier tour, une première), le tout nouveau président soit s’atteler maintenant à rendre possible le déroulé de son projet. Et pour cela, il doit obtenir une majorité confortable aux législatives.
Et sur 66,1 % de voix en sa faveur, 43 % ont voté contre Marine Le Pen, selon un sondage Ipsos décortiqué par le Monde. Difficile dans ses conditions de convaincre une majorité de lui donner les mains libres pour mener à bien son programme. Dès le lendemain de son élection, une manifestation contre Emmanuel Macron avait d’ailleurs lieu à Paris. À l’appel du collectif « Front social », plusieurs associations et syndicats (CGT, FSU, SUD…), plusieurs milliers de personnes se réunissaient place de la République pour signifier au nouveau président que les luttes sociales ne s’arrêteraient pas comme par magie après le 7 mai.
D’autant que s’il y a une prouesse indéniable de se faire élire à la plus haute fonction en renvoyant dans les cordes les deux partis de gouvernement « traditionnels », c’est une autre paire de manches de faire élire 289 députés, la majorité absolue que Macron appelle de ses vœux. Et déjà, le voilà obligé de faire quelques accommodements aux 50 % de personnes issues de la société civile promises (c’est-à-dire n’ayant jamais été élues), détaille Marianne. En effet, il sera désormais possible aux maires, aux conseillers régionaux ou généraux de se présenter, sous réserve que ce soit leur première élection législative. Manière de ne se mettre à dos ni les membres du Parti socialiste ni ceux de Les Républicains (LR), ce qui pourrait entraîner des duels difficiles à remporter contre des figures politiques ayant plus de notoriété (donc plus de poids). De même, il n’est plus nécessaire de renoncer à son mouvement pour rejoindre « la République en marche », nouveau nom du parti présidentiel. En revanche, la parité est toujours exigée. Pour l’instant du moins.
Mais ces appels du pied du président en marche ne font pas l’unanimité, que ce soit à droite comme à gauche. François Baroin, dimanche soir, exprimait clairement son désir de mener l’opposition au nouveau gouvernement. Simultanément, Bruno Le Maire ne cachait pas son envie d’en être. Ce qui n’est pas du tout du goût du premier : Baroin l’a en effet menacé d’avoir un candidat LR face à lui aux législatives s’il entrait au gouvernement, rapporte BFM-TV.
Du côté adverse, oh surprise, Manuel Valls ne s’est pas fait prier pour exprimer son désir de servir le nouveau président, indique FranceTV info. Ce qui n’a pas l’air d’émouvoir outre mesure le camp présidentiel. Benjamin Griveaux, porte-parole du mouvement de Macron, a eu cette saillie savoureuse à cette nouvelle : « Il n’a pas été investi par la commission d’investiture, ou alors sa candidature m’a échappé, a-t-il ironisé sur Europe 1. La règle est la même pour tous. Si vous ne déposez pas votre candidature, vous ne pouvez pas être investi par En marche !. Il lui reste 24 heures. La procédure est la même pour tout le monde, ancien Premier ministre compris. » Ça, c’est fait. De son côté, Benoît Hamon souhaite que tout membre du PS l’ayant trahi au premier tour se voit retirer l’investiture socialiste relève Libération. Trahi de toutes parts, et par Valls au premier chef, l’ex-candidat du PS n’entend pas rester inactif, malgré son score historiquement faible, ajoute le quotidien.
Marine Le Pen, décriée jusque dans son propre parti suite à sa fin de campagne calamiteuse, explique Sud Ouest, croit toujours quant à elle pouvoir devenir la première force d’opposition des « patriotes » face aux « mondialistes ». Et Mélenchon ? Hé bien , il boude toujours, tout en rêvant de remporter aux législatives la majorité qu’il n’a pas eu aux présidentielles, indique le Journal du dimanche. Et ce, même si le Parti communiste l’a lâché, aucun accord national n’ayant été trouvé : « C’est mort. On ne s’alignera pas derrière ce nouveau parti à la main de Mélenchon », a déclaré un dirigeant. Voilà qui a le mérite d’être clair.
Bref, c’est un beau panier de crabes, et pour Emmanuel Macron, la marche vers les législatives pourrait s’avérer encore plus longue que sa traversée de la cour du Louvre. Et sans l’Hymne à la joie, en plus.