Le nom du nouveau mouvement d’Emmanuel Macron en est la preuve : aujourd’hui, un parti politique ne tire plus son nom de l’idéologie ou du programme qu’il défend. Hélas, bien d’autres formations ont des appellations si simplistes qu’elles frisent le ridicule.
Par David Marquet
Bien avant Emmanuel Macron et son mouvement En marche, il y eut le Parti communiste, le Parti socialiste, le Front Populaire, l’Union des démocrates français, le Rassemblement pour la République… Tous ces noms avaient de la gueule, ils annonçaient la couleur, et donnaient l’impression de prendre au sérieux leur mission. C’est fini tout ça. Revue de détail des noms les plus grotesques pour un parti politique.
En marche !
Actualité oblige, c’est d’abord le tout nouveau tout beau mouvement du fringant ministre de l’Économie, lancé le 6 avril dernier, rappelle Le Monde, qui ouvre le bal. Comme nom qui ne veut rien dire, ça se pose un peu là. Que déduire du programme, ou même de idées d’un tel parti ? Qu’il est réservé aux piétons ? Macron serait-il le nouveau petit timonier ? De plus, il reprend les initiales de son fondateur, difficile de faire plus narcissique. À moins que ce ne soit un pur hasard ? Mouais.
Debout la France
Le nom du mouvement de Nicolas Dupont-Aignan est une injonction quasi militaire à une France (donc un peuple) qui serait soit couché, soit assis. Accroupi, à la rigueur. Peut-être est-ce cette façon si cavalière de s’adresser à ses électeurs potentiels qui les rendent aussi fuyants dans les urnes ? Malgré son score calamiteux en 2012 (1,8 %), Dupont-Aignan croit dur comme fer qu’il sera présent au second tour, indique Le Figaro. Ça lui fait toujours un vote d’assuré.
On se prend d’ailleurs à rêver que Macron et Dupont-Aignan fusionnent leurs mouvements pour former « Debout la France en marche »…
Nouveau Parti Anti-capitaliste
Choisir de se nommer non par ce qu’on propose, mais ce qu’on combat, en voilà une riche idée ! Anti-capitaliste, soit, et après ? Quelle est l’alternative ? D’autant qu’on peut être contre le capitalisme et souhaiter trouver un système plus égalitaire sans pour autant se reconnaître dans un parti dont le leader, de son propre aveu, ne souhaite pas accéder au pouvoir, relève Le Monde.
Parti de gauche
Là, on touche le fond. De gauche, mais plus précisément ? Marxiste-léniniste, trotskyste, socialiste, social-démocrate, écologiste, féministe ? Un peu de tout ça ? La gauche, c’est vaste. Et il n’est pas certain que tous les « gauchistes » se retrouvent dans ses positions troubles sur la Chine ou Cuba. Ou quand, comme le note Challenges, à propos du meurtre de l’opposant au régime russe Boris Nemtsov le 27 février 2015, Mélenchon affirme que « la première victime de cet assassinat politique, c’est Vladimir Poutine » …
D’autre part, ne serait-ce qu’au sein du gouvernement, Hollande, Valls, Macron, les Frondeurs ne sont pas d’accord sur grand-chose, et se déclarent pourtant tous de gauche (sauf Macron, ça dépend des jours).
Union pour la majorité présidentielle
Pour préparer les législatives de 2002, suite à son écrasante victoire à la présidentielle (82 %) dûe à l’élimination de la gauche au second par Jean-Marie Le Pen, Jacques Chirac décide de renommer le Rassemblement pour la République (RPR), se souvient Le Figaro. Et il choisit ce nom qui n’a aucun sens politique, au sens premier du terme, étymologique : « science des affaires de la cité ». Cette appellation signifie juste qu’il cherche à rassembler son clan derrière lui, et l’élargir le plus possible pour s’assurer la victoire.
Union pour un mouvement populaire
Le nom définitif n’est pas tellement plus clair : un « mouvement », si « populaire » fût-il, n’est pas nécessairement politique. Le rock est un mouvement populaire, par bien des côtés (et d’ailleurs bien plus, à une époque, que la politique), tout comme, quitte à faire hurler les puristes, la religion, les supporters sportifs, ou le box-office… Et surtout, avec cette désignation du parti, disparaît le mot « république »
Écologistes !
Fondé le 2 septembre 2015 par François de Rugy et Jean-Vincent Placé, ce nom pose un vrai problème journalistique pour la presse audiovisuelle : devra-t-on élever la voix comme l’intime en principe cette ponctuation ? Si de Rugy prétend qu’elle sert à « affirmer de la façon la plus claire et la plus simple possible (leur) identité », comme le note Libération, cette clameur tend plutôt à démontrer une absence d’assurance, comme s’il fallait crier son appartenance à ces idées pour les faire entendre.
Enfin, il va être difficile de lui trouver un acronyme, et ce nom fera probablement s’arracher les cheveux des secrétaires de rédaction, car s’ils n’ont pas d’autre choix que de le laisser en toutes lettres, autant de signes en plus à intégrer dans leur calibrage…
Chasse, Pêche, Nature et Traditions
Là, on touche le fond (bis). Mais on peut se dire qu’au moins on y dégustera de bons petits gueuletons. C’est déjà ça. Sauf si on est végétarien, évidemment. Où qu’on ne goûte pas les idées nauséabondes du mouvement, dont le candidat aux dernières présidentielles avait recruté comme conseiller en communication un ancien rédacteur en chef de Minute, l’hebdomadaire d’extrême droite, annonçait alors Le Monde.
Ceux qui l’ont fait exprès
Le Parti Rhinocéros
L’écrivain québécois Jacques Ferron fonde en 1963 « le parti qui promet de ne jamais tenir ses promesses », raconte La Presse. Une façon de fustiger la politique fédérale d’alors, tout en s’opposant aux partisans la peine de mort par l’absurde, en proposant une école de la pendaison ! Mais ses candidats (car il y en aura) se verront empêchés de concourir aux élections car on exige dès 1993 un dépôt de 1000 dollars, provoquant la « dissolution » du parti.
Pourtant, le mouvement renaît de ses cendres en 2005, et continue sur sa lancée loufoque, avec, publié dans Le Journal de Montréal lors des élections fédérales d’octobre dernier, son programme pour 2015-3015 prônant entre autres la « réintroduction du rhinocéros au Canada », rendue possible d’après eux par le réchauffement climatique….
Le Parti d’en rire
En 1981, Coluche se présente à la présidentielle avec sa propre formation, « Le Parti d’en rire », appelant « les fainéants, les crasseux, les drogués, les alcooliques, les pédés » et plus généralement tous ceux qui veulent le soutenir pour « leur foutre au cul ».
Cette blague n’est pas du goût de tout le monde, et il subit des pressions, à droite comme à gauche, comme le retrace l’excellente émission Affaires sensibles, sur France-Inter. Pour la petite histoire, le cinéaste Romain Goupil raconte que le comique iconoclaste n’avait obtenu qu’une signature sur les 500 nécessaires à sa candidature… pas de quoi en faire un drame.